Maladie de l’anthracnose chez les agrumes : symptômes, prévention et lutte

Maladie de l’anthracnose chez les agrumes : symptômes, prévention et lutte

Introduction

L’agrumiculture est un pilier agricole dans les zones méditerranéennes et subtropicales. La Tunisie, par exemple, dispose d’un patrimoine agrumicole riche, mais exposé à de nombreux défis phytosanitaires. Parmi eux, l’anthracnose des agrumes, causée par des champignons du genre Colletotrichum, est l’une des maladies les plus fréquentes et les plus dommageables.

Elle est souvent négligée au profit de maladies plus “médiatisées” comme la tristeza ou le mal secco, mais son impact sur la floraison et la qualité des fruits peut être très sévère. Cet article propose une synthèse complète : symptômes, facteurs de développement, moyens de lutte, ainsi que des recommandations pratiques adaptées aux conditions méditerranéennes.

L’agent pathogène et son cycle de vie

L’anthracnose des agrumes est principalement due à Colletotrichum gloeosporioides, mais d’autres espèces comme C. acutatum peuvent aussi être impliquées.

  • Survie : le champignon persiste dans les débris végétaux, rameaux secs et fruits momifiés restés dans l’arbre ou au sol.
  • Propagation : les spores (conidies) se disséminent par les pluies, l’irrigation par aspersion et le vent chargé de gouttelettes.
  • Infection : elle se produit lorsque les spores rencontrent des tissus fragiles (plaies de taille, jeunes pousses, fleurs vieillissantes).
  • Conditions favorables : humidité élevée, températures comprises entre 20 et 28 °C, végétation dense et mal aérée.

En Tunisie, les printemps pluvieux et les orages d’été constituent des périodes critiques pour la propagation.

Symptômes caractéristiques

  1. Sur les feuilles
  • Petites taches irrégulières brun foncé, parfois entourées d’un halo jaunâtre.
  • Déformation des jeunes feuilles, dessèchement des extrémités.
  • Défoliation importante lorsque l’attaque est sévère, ce qui affaiblit l’arbre.
  1. Sur les fleurs
  • Flétrissement rapide et brunissement des pétales.
  • Chute prématurée des inflorescences, réduisant fortement la nouaison.
  • Aspect “brûlé par le soleil”, ce qui entraîne parfois des confusions de diagnostic.
  1. Sur les fruits
  • Taches circulaires sombres et enfoncées, souvent humides.
  • Développement de moisissures noires en conditions très humides.
  • Chute précoce des fruits, baisse de qualité commerciale et perte après récolte.
  1. Sur les rameaux
  • Nécroses longitudinales, dessèchement partiel des jeunes pousses.
  • Fragilisation de l’arbre et retard de croissance des nouvelles branches.

Conséquences économiques

Les pertes causées par l’anthracnose dépendent de la précocité de l’infection et des conditions climatiques.

  • Dans certains vergers tunisiens mal protégés, les pertes de rendement peuvent dépasser 25 à 30 %.
  • Au Maroc, des études rapportent une réduction de 40 % de la nouaison dans les vergers de clémentiniers lors des printemps pluvieux.
  • En Espagne, l’anthracnose est responsable de pertes de qualité post-récolte atteignant 20 % des fruits stockés.

Ces chiffres montrent qu’il s’agit d’un problème sérieux, même si ses symptômes semblent discrets au départ.

Prévention culturale : la première barrière

La prévention reste le meilleur investissement. Les mesures suivantes sont essentielles :

  1. Taille raisonnée et aération : supprimer les branches encombrantes pour améliorer la circulation de l’air et réduire l’humidité.
  2. Hygiène du verger : ramasser et détruire les feuilles mortes, rameaux secs et fruits momifiés.
  3. Irrigation maîtrisée : éviter l’aspersion aérienne, préférer le goutte-à-goutte qui limite les éclaboussures.
  4. Fertilisation équilibrée : éviter les excès d’azote qui fragilisent les tissus et favorisent les infections.
  5. Choix variétal : certaines variétés de citronniers et d’orangers montrent une tolérance plus élevée, bien que la résistance totale n’existe pas.

Moyens de lutte

  1. Lutte biologique
  • Utilisation de champignons antagonistes comme Trichoderma harzianum, qui colonise le sol et empêche le développement de Colletotrichum.
  • Pulvérisation de produits à base de cuivre ou de soufre compatibles avec l’agriculture biologique.
  • Encourager la biodiversité : haies brise-vent, couvert végétal, introduction d’auxiliaires.
  1. Lutte chimique raisonnée
  • Fongicides recommandés : cuivre (bouillie bordelaise), mancozèbe, strobilurines (azoxystrobine), dithiocarbamates, selon la réglementation nationale.
  • Interventions stratégiques :
    • Avant floraison : pour protéger les inflorescences.
    • Pendant la nouaison : limiter les pertes de fruits.
    • Après fortes pluies : casser le cycle de contamination.
  • Rotation de matières actives pour éviter le développement de résistances.

Gestion intégrée (IPM)

La lutte intégrée combine la prévention, le suivi et l’application raisonnée de traitements :

  1. Surveillance régulière : inspections après chaque pluie, surtout en floraison.
  2. Aide à la décision : utiliser les modèles météo (température + humidité) pour anticiper les risques.
  3. Pratiques culturales durables : taille, hygiène, irrigation goutte-à-goutte.
  4. Traitements ciblés : uniquement quand les conditions sont favorables à l’infection.

Cette approche réduit les coûts de production, préserve l’environnement et garantit une meilleure durabilité de l’agrumiculture.

Conclusion et recommandations

L’anthracnose des agrumes est une maladie insidieuse mais redoutable. Elle affecte la floraison, la nouaison et la qualité des fruits, causant des pertes économiques importantes si elle n’est pas gérée correctement.

Pour protéger efficacement vos vergers :

  • Misez sur la prévention (taille, hygiène, irrigation adaptée).
  • Surveillez votre verger surtout après les pluies de printemps.
  • Privilégiez la lutte intégrée, combinant pratiques culturales, biocontrôle et traitements ciblés.

Un verger bien entretenu, équilibré en nutrition et correctement suivi est la meilleure arme contre cette maladie. La vigilance du producteur reste la clé d’une production rentable et durable.

Foire aux questions (FAQ)

Q1 : L’anthracnose peut-elle être confondue avec d’autres maladies ?

Oui. Les taches foliaires peuvent être confondues avec le mal secco ou la gommose. Le diagnostic repose sur l’observation des symptômes sur fleurs et fruits.

Q2 : Faut-il traiter systématiquement chaque année ?

Pas forcément. Dans les zones sèches, la maladie peut rester discrète. Les traitements sont surtout nécessaires lors des printemps humides.

Q3 : L’anthracnose est-elle transmissible d’un verger à un autre ?

Oui, via les outils de taille contaminés, les pluies battantes et les fruits infectés. D’où l’importance de la désinfection des outils.

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